

Les violences sexuelles commises par des femmes demeurent un sujet largement ignoré, éclipsé par la prédominance masculine dans ces crimes. Pourtant, les cas existent, et leur invisibilisation constitue un frein à une meilleure compréhension de ces actes et à la protection des victimes. Ce phénomène complexe, mêlant psychologie, société et tabous culturels, mérite une analyse approfondie pour briser le silence et ouvrir un dialogue constructif.
La représentation de la femme comme figure maternelle, protectrice et bienveillante est profondément enracinée dans l’imaginaire collectif. Cette perception rend difficile l’acceptation qu’une femme puisse être l’auteure de violences sexuelles. Ce déni collectif est souvent renforcé par une minimisation des actes commis par des femmes, perçues comme moins dangereuses ou moins responsables que leurs homologues masculins.
« Cette sidération face aux violences sexuelles féminines découle d’un déni inconscient, mais aussi d’un biais culturel qui excuse ou atténue plus rapidement ces actes », explique la psychologue Amélie Boukhobza. Ce biais crée un angle mort dans les efforts de prévention, de prise en charge des victimes et même dans le traitement judiciaire de ces affaires.
Contrairement aux idées reçues, les femmes impliquées dans des violences sexuelles ne forment pas un groupe homogène. Leurs profils sont variés, et leurs actes sont souvent le reflet de traumatismes psychologiques profonds ou de relations pathologiques. La recherche scientifique a identifié plusieurs catégories fréquentes parmi ces agresseuses :
1- Femmes sous emprise : Certaines femmes agissent sous la domination psychologique ou physique d’un partenaire agressif. Dans ces cas, leurs actes sont souvent une extension de la dynamique toxique du couple.
2- Immaturité psychique : D’autres présentent une immaturité émotionnelle et sexuelle, avec une fixation à un stade précoce du développement psychologique.
3- Rejeu traumatique : Certaines femmes rejouent inconsciemment des scènes d’abus qu’elles ont elles-mêmes subies, mêlant les rôles de victime et d’agresseur.
Dans la majorité des cas, ces femmes partagent un passé marqué par des maltraitances, des abus ou une désorganisation psychique. Le lien à l’enfant devient alors perverti : l’enfant n’est plus vu comme un individu autonome, mais comme un objet de compensation affective ou un substitut pour combler des blessures anciennes.
Le silence persistant autour des violences sexuelles féminines pose un problème majeur. En refusant de reconnaître l’existence de ces actes, la société empêche leur détection précoce et leur prévention. Les victimes, souvent jeunes, se retrouvent dans un flou juridique et émotionnel, tandis que les auteures ne bénéficient pas d’un accompagnement adapté pour comprendre et traiter leurs comportements.
Briser ce tabou est une nécessité. Il ne s’agit pas de stigmatiser les femmes, mais de reconnaître que ces violences existent et qu’elles nécessitent une réponse spécifique. « Ce silence collectif empêche une prise en charge globale et efficace des abus, notamment en termes de protection de l’enfance », souligne Amélie Boukhobza.
Pour avancer, il est essentiel d’adopter une approche psychologique et sociétale plus nuancée. Cela implique de déconstruire les stéréotypes genrés qui empêchent de voir les femmes comme des agresseuses potentielles, mais aussi de mieux former les professionnels de la santé mentale, de la justice et de l’éducation sur cette réalité.
Les violences sexuelles, qu’elles soient commises par des hommes ou des femmes, s’inscrivent dans une dynamique complexe de pouvoir, de traumatisme et de désorganisation psychique. Les comprendre dans toute leur diversité est une étape cruciale pour lutter efficacement contre ces actes.
Il est temps pour la société de faire face à cette réalité dérangeante. En ouvrant le débat, en investissant dans la recherche et en sensibilisant le public, nous pouvons mieux protéger les victimes et offrir un accompagnement adapté aux auteures. Ce travail, bien que difficile, est essentiel pour avancer vers une société plus juste et plus inclusive, où chaque forme de violence est reconnue et combattue.
En reconnaissant enfin ce phénomène, nous brisons non seulement un tabou, mais aussi une chaîne de silence et d’injustice qui nuit à notre capacité collective à protéger les plus vulnérables.