

Parfois, on a l’impression de recevoir des nouvelles d’un vieux transistor mal réglé. Comme ce samedi 5 juillet, et pourtant ce n’était pas une rediffusion en onde moyenne, mais bel et bien une déclaration en direct de notre cher ancien chef du gouvernement, monseigneur Abdelilah Benkirane, qui depuis Agadir, a lancé un message on ne peut plus clair aux jeunes femmes : laissez tomber les études, le travail peut attendre, ce qu’il vous faut c’est un mari. Rien que ça !
Et gare à celles qui oseraient différer ce « destin naturel » : elles risqueraient, selon lui, de finir comme une « cigogne isolée ». Belle métaphore, terriblement révélatrice : une femme sans alliance serait un oiseau sans aile, flottant dans un ciel sans avenir.
Spoiler alert, Monsieur Benkirane : les Marocaines volent déjà très bien, merci. Et pas besoin d’atterrir dans une cage dorée pour trouver un sens à leur existence.
Face à ce sermon conjugal, la riposte a vite fusé. Trente-deux associations féministes, dont les piliers que sont l’ADFM, l’UAF ou encore l’AMDF, ont signé un communiqué aussi ferme que nécessaire. Elles dénoncent un discours rétrograde, une incitation publique à la discrimination, et surtout, un affront aux engagements internationaux et constitutionnels du Maroc.
Surtout , ce sont les femmes marocaines d’aujourd’hui que l’on continue de vouloir invisibiliser. Celles qui bossent, qui étudient, qui rêvent d’un avenir fait de choix - pas de concessions. Celles qui refusent que leur liberté soit sacrifiée sur l’autel d’un mariage précipité. Celles qui savent très bien que l’indépendance financière est souvent le seul vrai rempart contre les violences, la précarité et l’effacement.
Et pendant que certains agitent la peur du célibat comme une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes, d’autres font des choix libres : se marier à 25, 35 ou pas du tout, avoir un master, deux enfants ou une entreprise, parfois tout ça à la fois. Oui, les femmes peuvent aimer, réussir, créer, s’épanouir sans être réduites à un statut marital.
Alors, à toutes les jeunes filles que l’on tenterait d’effrayer avec des zoziaux solitaires : ne laissez personne écrire votre trajectoire. Vous n’êtes pas des volatiles perdus. Vous êtes pilotes de ligne.
Quant à vous, cher Monsieur Benkirane, gardez vos conseils, on vise beaucoup plus, et bien mieux que cela.
Keltoum Ghazali
Profitant de son passage à Casablanca, la chanteuse...