La Maison Culturelle du Tapis, quand l’art textile devient récit patrimonial
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Dans la médina de Marrakech, à deux pas des ruelles animées du quartier de Laksour, un nouveau lieu culturel s’ouvre discrètement au public, loin des codes classiques du musée. La Maison Culturelle du Tapis propose une immersion sensible et documentée dans l’univers du tapis marocain, non pas comme simple objet décoratif, mais comme témoin d’une mémoire collective, d’un savoir-faire ancestral et d’un langage transmis de génération en génération.
Installée dans un riad restauré dans le respect de l’architecture traditionnelle, cette maison-musée invite à une visite fluide, presque intime. Le parcours, pensé comme une narration, conduit le visiteur à travers plusieurs espaces évoquant les grandes aires de production du Royaume. Du Haut Atlas aux plaines du Haouz, en passant par Rabat et d’autres terroirs, chaque salle met en lumière les particularités esthétiques et culturelles propres à une région, révélant la diversité des techniques, des motifs et des usages.
Les tapis présentés proviennent d’une collection privée constituée sur plus d’un demi-siècle. Certaines pièces, remarquablement conservées, datent du milieu du XIXᵉ siècle. Leur sélection repose autant sur leur rareté que sur la richesse de leur symbolique. Motifs géométriques, jeux de couleurs, matières naturelles : chaque tapis est présenté comme un fragment d’histoire, porteur d’un message souvent codé, parfois intime, toujours enraciné dans le quotidien de celles et ceux qui l’ont tissé.
La visite dévoile une grande variété de créations : tapis en laine, en soie ou en poils de chèvre, kilims ponctués de fils d’argent, pièces aux formats inhabituels, mais aussi œuvres réalisées par des hommes, rappelant que le tissage n’a pas toujours été exclusivement féminin. Une salle dédiée aux pièces d’exception vient clore le parcours, offrant un regard plus contemplatif sur des œuvres devenues rares.
L’expérience est enrichie par la présence d’objets liés à l’univers du tissage : outils traditionnels des tisseuses, ouvrages spécialisés, accessoires du quotidien, mais aussi babouches, coussins et sacoches, qui témoignent des multiples prolongements de cet art dans la vie domestique et sociale.
À l’origine du projet, Nasser Ksikes, issu d’une famille de commerçants et collectionneurs, revendique une démarche de transmission plus que de simple exposition. « Ce lieu est né d’un désir de retour aux sources, mais aussi de reconnaissance. Les tapis racontent des histoires silencieuses, souvent celles de femmes anonymes. Il était important de leur redonner une voix », explique-t-il.
Cette volonté de contextualisation se prolonge dans une salle audiovisuelle, où est projeté un documentaire rare des années 1940, offrant un regard ethnographique sur les pratiques artisanales de l’époque. Des lithographies signées Jean Besancenot, figure de l’ethnologie marocaine, complètent cet ensemble en documentant les costumes traditionnels et la place des femmes dans les sociétés rurales et urbaines du Maroc d’alors.
La Maison Culturelle du Tapis se veut également un espace vivant. Des ateliers de tissage sont proposés aux visiteurs, leur permettant de s’initier concrètement aux gestes ancestraux et de repartir avec une création personnelle. Une boutique met en valeur des objets artisanaux conçus à partir de textiles anciens, tandis qu’une terrasse surplombant les toits de la médina offre un moment de pause, autour d’un thé ou d’une pâtisserie marocaine.
Plus qu’un nouveau lieu culturel, la Maison Culturelle du Tapis s’inscrit comme un espace de médiation entre passé et présent, entre patrimoine et création, rappelant que le tapis marocain demeure, aujourd’hui encore, un support d’expression et de transmission profondément ancré dans l’identité du pays.
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