

La Mostra de Venise n’est pas seulement une scène glamour où défilent les stars sous les flashs des photographes. Elle représente également un haut lieu de réflexion, où le cinéma s’érige en miroir des fractures sociales et des défis mondiaux. Cette année, la 13ᵉ édition de Final Cut in Venice, un programme dédié aux œuvres en post-production, a offert une plateforme à des récits puissants et engagés. Parmi eux, le documentaire marocain Out of School, réalisé par Hind Bensari, a captivé le jury et décroché deux prestigieux prix. Ce projet, à la fois intime et universel, illustre les bouleversements liés à la déscolarisation et à l’exode rural au Maroc.
Présenté entre le 31 août et le 2 septembre, Out of School a marqué les esprits et remporté deux distinctions majeures : un prix de 5 000 euros offert par le Red Sea Fund, ainsi qu’un soutien de 2 500 euros attribué par le Festival international d’Amiens. Ces récompenses ne se limitent pas à leur dimension financière. Elles symbolisent une reconnaissance mondiale pour un récit qui transcende les frontières, mettant en lumière des réalités partagées par de nombreuses sociétés contemporaines.
Le documentaire suit Moqari et Fatima, frère et sœur âgés de 13 et 11 ans, contraints de quitter l’école pour assumer des responsabilités d’adultes. Leur histoire, si singulière, reflète pourtant une problématique globale : l’impact de l’exode rural sur les enfants et les familles. À travers cette narration sensible, Hind Bensari explore les tensions entre tradition et modernité, ainsi que les défis posés par le déracinement social et culturel.
La force d’Out of School réside dans sa capacité à dépasser les limites d’un récit local pour questionner des enjeux mondiaux. Que devient l’éducation dans des sociétés en mutation rapide ? Comment préserver les valeurs et les savoirs ancestraux face à des transitions forcées vers l’urbanisation ? Ces interrogations, soulevées avec finesse par la réalisatrice, résonnent bien au-delà des frontières marocaines, touchant des publics de tout horizon.
Ce documentaire n’est pas une simple observation de la réalité. Il interpelle et invite à une prise de conscience collective. À une époque où de nombreux pays sont confrontés à des crises éducatives, Hind Bensari offre une réflexion précieuse sur les conséquences sociales de la déscolarisation, thème rarement abordé avec une telle profondeur dans le cinéma contemporain.
Le programme Final Cut in Venice s’est imposé comme un soutien essentiel pour les cinéastes issus de régions en proie à des crises structurelles, mais riches d’une diversité culturelle et narrative. Cette année, le grand prix a été attribué au film yéménite The Station de Sara Ishaq, avec une enveloppe totale de 40 000 euros, dont 35 000 offerts par des sponsors. Ces aides permettent à des œuvres indépendantes de franchir des étapes décisives dans leur production et d’accéder à un public international.
Le jury, composé de figures influentes du cinéma telles que Fatih Abay (European Film Academy) et Nathalie Jeung (Kinology), a salué l’audace et l’engagement des projets présentés. Cette volonté de mettre en lumière des récits marginalisés témoigne d’un cinéma qui documente les luttes invisibles et redonne une voix aux laissés-pour-compte.
La consécration de Hind Bensari intervient dans un contexte de renouveau pour le cinéma marocain, qui s’affirme de plus en plus sur la scène internationale. Lors du Festival de Venise, le ministre de la Culture Mohamed Mehdi Bensaid a souligné les atouts du Maroc, à la fois comme terre d’accueil pour des productions étrangères et comme vivier de talents locaux.
Ce dynamisme reflète une double réalité : d’une part, une scène nationale portée par des récits ancrés dans la société marocaine ; d’autre part, une ouverture croissante vers les industries cinématographiques internationales. Avec des paysages variés et une richesse culturelle unique, le Maroc s’impose comme un acteur incontournable du cinéma mondial.
Au-delà des distinctions, Out of School incarne un cinéma qui ne se contente pas de raconter, mais qui suscite des émotions et provoque des réflexions. En abordant la déscolarisation sous un angle humain et poignant, Hind Bensari éveille les consciences et invite à agir face à une réalité préoccupante.
Alors que les défis éducatifs et sociaux se complexifient à travers le monde, la reconnaissance d’un tel film envoie un message clair : les récits issus du Sud global ont toute leur place dans le paysage cinématographique international. Ils enrichissent le débat global par leur singularité et leur profondeur.
Avec Out of School, Hind Bensari illustre la puissance du cinéma comme outil de transformation sociale. Ce n’est pas seulement une victoire pour le Maroc, mais pour tous les cinéastes qui, malgré des conditions précaires, parviennent à transformer des récits locaux en réflexions universelles. À Venise, leur voix a trouvé écho. Et à l’avenir, ces récits, empreints d’humanité et de vérité, continueront de marquer le paysage cinématographique mondial.