

Avec une délicatesse rare, Seloua El Gouni signe un drame poignant qui ne laisse personne indifférent. Sélectionné en compétition officielle au Beirut Women Film Festival, The Wound s’impose comme une œuvre cinématographique marquante qui explore les tensions entre tradition, identité et liberté personnelle dans le Maroc d’aujourd’hui. À travers le parcours de Leila, une jeune femme confrontée à une grossesse non désirée dans une société où l’avortement reste illégal, le film offre une réflexion dense et nuancée sur la condition féminine au sein d’un cadre culturel en mutation.
Plutôt que de choisir une approche militante ou dénonciatrice, Seloua El Gouni opte pour une narration tout en subtilité. The Wound (en français, La Blessure) mise sur l’introspection, les silences et les regards pour traduire la complexité émotionnelle de Leila, magistralement interprétée par une actrice dont la retenue sublime chaque scène. Le film ne cherche pas à imposer une vision, mais à inviter le spectateur dans l’univers intérieur de son héroïne.
La caméra de Seloua El Gouni capte avec une précision presque documentaire les tensions invisibles qui traversent les corps et les esprits. Chaque plan, chaque mouvement est empreint d’une pudeur qui reflète les dilemmes auxquels sont confrontées de nombreuses femmes marocaines. La réalisatrice s’éloigne ainsi des clichés pour proposer une exploration authentique et respectueuse des enjeux liés à la maternité, à la liberté de choix et à la pression sociale.
Le scénario de The Wound est le fruit d’un travail collectif, écrit par Taha Benghalem, en collaboration avec Brice Bexter El Glaoui et Brian Bexter El Glaoui. Cette écriture à six mains offre une richesse narrative rare, équilibrant douleur intime et résonance sociale. Chaque dialogue, chaque silence, chaque interaction entre les personnages est porteur de sens, révélant les contradictions d’une société marocaine en pleine transformation.
Les scénaristes parviennent à tisser une histoire à la fois personnelle et universelle. Leila, en tant que personnage, incarne les luttes de nombreuses femmes prises entre leurs désirs individuels et les attentes imposées par leur environnement. À travers son histoire, le film met en lumière les défis liés à la tradition et à l’évolution des mentalités, sans jamais tomber dans le didactisme ou la caricature.
Sur le plan visuel, The Wound brille par sa simplicité et son élégance. La photographie, épurée et lumineuse, reflète les contrastes de la vie de Leila : les espaces clos et oppressants de son quotidien s’opposent aux moments de répit dans des paysages ouverts, où la lumière devient un symbole d’espoir et de liberté. Chaque cadre est pensé pour renforcer l’intensité émotionnelle, tout en respectant l’intimité des personnages.
La bande-son, discrète mais évocatrice, accompagne avec justesse les moments clés du récit. Les silences, souvent plus éloquents que les mots, permettent aux spectateurs de ressentir pleinement le poids des choix de Leila. C’est dans cette économie narrative et visuelle que réside la force du film : il laisse la place à l’interprétation, évitant les jugements trop hâtifs ou les conclusions simplistes.
Si The Wound s’inscrit dans un contexte marocain bien défini, son propos dépasse largement les frontières. Les dilemmes de Leila – entre tradition et modernité, entre droits individuels et pression collective – trouvent écho dans de nombreuses sociétés à travers le monde. Seloua El Gouni parvient ainsi à créer une œuvre profondément ancrée dans une culture spécifique, tout en explorant des thèmes universels comme la liberté de choix, l’autonomie des femmes et l’impact des normes sociales sur les individus.
Le film offre également une opportunité rare de réfléchir aux avancées et aux blocages qui caractérisent les débats sur la condition féminine au Maroc. En évitant le manichéisme, The Wound invite à une discussion ouverte et respectueuse sur des questions sensibles, mais essentielles.
Au-delà de la souffrance et des épreuves traversées par Leila, The Wound porte un message d’espoir. À travers son héroïne, Seloua El Gouni montre que la résilience et le courage peuvent triompher, même dans les contextes les plus contraignants. Le film ne prétend pas offrir de solutions, mais il ouvre une voie vers le dialogue et la compréhension.
Avec cette œuvre, la réalisatrice confirme son talent pour capter l’essence des émotions humaines tout en posant un regard critique mais bienveillant sur la société marocaine. The Wound est plus qu’un film : c’est une expérience qui interpelle, émeut et inspire.
The Wound marque une étape importante dans la carrière de Seloua El Gouni et dans le paysage du cinéma marocain. Sa sélection au Beirut Women Film Festival témoigne de la reconnaissance internationale pour un film qui, tout en étant profondément ancré dans son contexte local, possède une portée universelle. Un rendez-vous cinématographique à ne pas manquer pour quiconque s’intéresse aux défis contemporains des femmes et à l’évolution des sociétés traditionnelles.
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